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Une histoire de mélanome
15 mai 2010

Chapitre 1 : L'annonce

Il était une fois...

Tous les contes commencent ainsi, ils ont leur princesse (moi !), leur sorcière ou l'ogre (un crabe sournois) un prince charmant qui ici fera défaut et en général ces histoires se finissent bien, pour la princesse tout du moins. Mais dans cette histoire c'est le méchant crabe qui semble avoir le plus de chance.

Parlons un peu de la princesse.

Je suis la maman de deux demoiselles de 18 et 12 ans, divorcée et venant d'atteindre la cinquantaine. Ancienne brune devenue un peu vite poivre et sel, j'ai des taches de rousseur et les yeux verts (c'est important pour la suite de l'histoire !).

Le 3 avril 2010 j'ai rendez-vous avec une dermatologue pour une tache brunâtre légèrement en surépaisseur. Cette ancienne tache de rousseur que je n'ai pas remarquée plus que les autres a dû grandir, s'assombrir et légèrement gonfler. Depuis quand, je ne sais pas au juste, un peu plus de 6 mois certainement. Cela me semble idiot de ne pas y avoir prêté plus d'attention mais je ne ressentais aucune douleur, ni gène.
Les dernières semaines, la tache avait séché et en l'accrochant elle avait suinté. J'ai désinfecté et je mis un pansement.
J'ai tout de même fini par la montrer au médecin qui m'a poussée à voir un dermatologue.

Ce samedi-là je suis allée sans appréhension au rendez-vous.
La dermatologue que je n'avais encore jamais rencontrée, a longuement examiné la tache avec le dermascope, l'a prise en photo. Je sentais qu'elle était perplexe. Elle m'a annoncé qu'il faudrait l'enlever pour la faire analyser. Elle m'a demandé si je pouvais revenir l'après-midi. Visiblement il y avait urgence.

Je ne me suis pas vraiment affolée, je ne réagis pas ainsi, de plus ma plus jeune fille m'accompagnait et il n'était pas question de l'inquiéter.

Deux heures plus tard elle a donc pratiqué le découpage de la tache. Quelques petites piqûres pour insensibiliser, elle a enlevé un bout de peau de la taille d'un haricot (sec !) et six points de suture. Elle a déposé ce petit bout de moi dans un flacon. Rendez-vous fut pris 12 jours plus tard pour enlever les fils et connaître les résultats.
Comme je voulais savoir ce qu'il allait se passer, elle m'a expliqué qu'après analyse s'il s'avérait que c'était un mélanome, il faudrait pratiquer une exérèse, c'est à dire agrandir la portion prélevée et éventuellement faire une recherche au niveau des ganglions.
Si ce n'était pas un mélanome dans tous les cas il faudrait revenir la voir pour faire une carte de toutes mes taches de rousseur... du boulot en perspective !

Pendant ces 12 jours je n'ai pas vraiment pensé à la suite. Ne pas vouloir savoir peut-être.
J'ai fait les soins et les pansements jours après jours en me disant que cette petite cicatrice ne se verrait pas beaucoup.

Le 15 avril 2010 je suis retournée chez la dermatologue. Elle m'annonce que c'est un mélanome, qu'elle a pris rendez-vous à l'hôpital pour consulter un autre dermatologue et qu'il faudra pratiquer une exérèse de 2 cm environ. Le terme de cancer est à peine évoqué. Le rendez-vous est pour le mercredi suivant. Je lui annonce que je suis en vacances et qu'à cette date je serai à Paris avec mes filles. Gentiment elle insiste en me disant qu'il ne faut pas traîner.
En quelques secondes, je vois les vacances se modifier, réfléchir comment récupérer mes filles que je devais retrouver à la capitale. Je tiens le coup mais je suis un peu sonnée.

Je retrouve l'isolement de ma voiture et je sens les larmes venir.
J'ai un peu l'impression que le sort s'acharne sur moi depuis quelques temps.
Un cambriolage, un ordi qui me lâche avec une partie de ma vie dans son disque dur, une collègue de travail absente depuis un mois et demi et qui reconduit son arrêt de semaine en semaine et une vie à gérer seule depuis trop longtemps.
Mais il faut réagir et s'organiser, c'est encore là où je suis la plus efficace.

J'appelle en premier le père de mes filles, mon ex-mari, pour annuler leur voyage en train depuis chez les grands-parents paternels où elles sont en vacances. Je teste sur lui l'annonce du cancer. La voix est un peu chevrottante mais je vais jusqu'au bout de mes explications. Sans problème il s'occupe des filles. Elles resteront plus longtemps chez les grands-parents, il annule le train et prévoit l'avion du retour pour après mon rendez-vous à l'hôpital. A ce moment-là je devrais en savoir un peu plus.

J'appelle ensuite mon père. Je suis fille unique et une maman malade depuis des années (sclérose en plaques) nous a rapprochés. Là c'est un peu plus dur. Mon père est quelqu'un de carthésien comme moi, donc nous allons à l'essentiel mais les sentiments sont là.

Une fois raccroché je fonds en larmes. Je ne pense pas à la mort, ni vraiment à la maladie et ses conséquences ; je pense surtout à ce sort qui s'acharne et je me demande quelle faute j'ai pu commettre pour mériter cela. C'est absurde et inutile comme réaction mais je ne peux m'en empêcher.

Je dois retourner au boulot. J'ai un peu décalé ma pause déjeuner pour le rendez-vous. Juste avant de partir j'avais annoncé à une collègue la raison de mon absence en début d'après-midi. Elle m'avait demandé pourquoi je n'en avais pas parlé avant. Parce qu'il n'y avait rien à en dire. Pas besoin de se faire des plans sans savoir.
Je lui passe un coup de fil pour lui dire que j'allais arriver, le temps de reprendre mes esprits car j'ai un cancer.

L'après-midi s'est passé entre moments de boulot intense car la collègue est toujours absente et des blancs. J'ai appelé mes filles pour leur dire que notre voyage parisien était annulé que je devais voir un autre médecin au milieu de la semaine et qu'il était mieux qu'elles restent chez leurs grands-parents. J'ai donné un peu plus d'explications à la seule au courant au bureau puis je suis rentrée chez moi la journée terminée.

A nouveau les larmes dans le refuge qu'est ma maison. Je n'arrive pas vraiment à voir clair dans ce que je ressens de cette nouvelle. Je sais que je vais réagir car je suis un brave petit soldat mais j'ai envie aussi que tout s'arrête là, à l'instant.

Bien sûr je suis allée chercher des réponses sur le Net jusqu'à fort tard dans la nuit. J'y ai appris de nouveaux noms, des techniques, j'y ai lu des témoignages. Les données médicales datent souvent de 3 à 5 ans et les seuls témoignages sont souvent alarmants. C'est normal si tout se passe bien on n'a pas envie de dire sur un forum :" pour moi tout va bien". Cela semblerait indécent pour ceux qui luttent. Et pourtant.

Le lendemain était mon dernier jour avant ma semaine de vacances. Beaucoup de boulot à cause de l'absence de ma collègue et difficile de trouver du temps pour donner quelques consignes à une intérimaire. Tout le monde s'en va et je finis par fermer le bureau.

Je suis en vacances.

Je m'organise en vue de cette nouvelle petite opération un peu plus conséquente. Il y a le jardin à s'occuper. Couper l'herbe, planter, tailler. Je pioche la terre dure et caillouteuse comme si ma vie en dépendait !! Je travaille mon piano, je commence une nouvelle broderie ! Je reprends mes scéances de footing.

Et puis le mercredi arrive.

Crabe_petit

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Commentaires
V
Sylvie, ma petite Sylvie,<br /> je suis complètement chamboulée<br /> saches qu'à 800 km de toi, mon coeur et mes pensées sont avec toi<br /> je t'insuffle tout mon courage, ma hargne, ma pugnacité et mon amitié<br /> mille doux baisers,<br /> Vava
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